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11-10-2022 Natura 2000 à Bozouls : vis ma vie de gros ver blanc.

Natura 2000 à Bozouls : vis ma vie de gros ver blanc.

Parmi les espèces qui ont présidé à la désignation du site Natura 2000 « Vieux arbres de la haute vallée de l’Aveyron et des abords du causse Comtal », le Pique Prune, Osmoderma eremita pour les initiés, se taille la part du lion. Il fut un temps où le coléoptère faisait figure de Rockstar dans le milieu naturaliste, la terreur des aménageurs de tout bord. Il faut dire qu’il avait réussi le tour de force de bloquer le chantier de l’autoroute A28 pendant 6 ans. Ce n’est pas rien. Surtout pour un insecte que si peu gens a eu la chance de voir.

S’il est si difficile à observer, c’est qu’il passe le plus clair de sa vie dans l’obscurité d’un tronc d’arbre où il se nourrit de bois mort et de bois carié. Ainsi, pendant plusieurs années il va vivre sous forme de gros ver blanc, et va forer dans le bois en décomposition pour s’alimenter. Il ne précipite pas le vieillissement de l’arbre il vient en corollaire après que les signes de vieillesse soient apparus.

Pour simplifier, la plupart des vieux arbres porte comme des faits d’armes des cicatrices et des blessures héritées du temps qui passe. Il peut s’agir d’insertions de branches creuses, de cavités faites par des oiseaux, de crevasses héritées de la foudre, de bourrelets cicatriciels, de fissures issues de gélivures. Autant de marques qui sont favorables à l’établissement de notre insecte et qui sont uniquement l’apanage des très vieux arbres. C’est pour cela que le pique prune n’aime que les arbres vétérans qui ont traversé les siècles. C’est aussi pour cela qu’on ne le retrouve que sur les territoires d’élevage, là où les agriculteurs ont su conserver les haies. C’est aussi pour cela que l’Aveyron, majoritairement au travers de la commune de Bozouls, mais aussi des communes de Bertholène, de Laissac-Sévérac l'Église, de Montrozier, de Palmas d'Aveyron et de Sébazac-Concourès porte une responsabilité européenne pour la conservation de cet insecte. Les agriculteurs qui ont gardé les vieux arbres et les très vieux arbres en fin de carrière, mais aussi les agriculteurs qui ont infligé des blessures régulières aux arbres en faisant de la feuille pour nourrir le bétail ont ainsi créé un terrain tout à fait favorable au pique prune.

Il peut vivre plusieurs années sous forme de gros ver blanc. Le plus souvent 3 ans, parfois 4, parfois 5, plus rarement 6 ans. Quand le moment sera venu, il va former une coque de nymphose et le ver blanc va alors se transformer en un coléoptère noir brillant capable de voler. Pour lui, c’est le début de la fin de sa vie. Il ne se nourrira pas et son seul objectif sera de perpétuer l’espèce avant de mourir. Comme il est tout sauf un athlète, les ébats auront lieu sur l’arbre même où il est né. Cependant, s’il ne trouve pas chaussure à son pied il lui faudra s’envoler vers un autre arbre à cavité. Incapable d’accomplir des prouesses physiques, ledit arbre devra se trouver dans un rayon de moins de 500 m pour que l’opération réussisse. Le record de déplacement serait de 780 m….

D’où l’intérêt d’avoir un bon maillage de vieux et de gros arbres dans un périmètre restreint. Mais alors, s’il est si difficile de le voir, comment savoir si un arbre est occupé par le pique prune ? Tout simplement en collectant du terreau issu de la décomposition du bois pour y chercher des crottes. En effet, le pique prune laisse dans son sillage des crottes caractéristiques qui ressemblent à des crottes de souris.

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